1931 – 1945 (L’histoire de RFI)

La naissance d’une radio internationale

On se presse à Paris ce 6 mai 1931 : l’exposition coloniale bat son plein, et n’a pas lésiné sur les animations. On y montre notamment comment fonctionnent les ondes courtes ! Capables de parcourir de très longues distances en se réfléchissant sur les couches supérieures de l’atmosphère, elles rendent désormais possible de toucher un public bien-au-delà des frontières métropolitaines. Et le gouvernement l’a compris.

Le commissaire général de l’exposition, Hubert Lyautey, a réussi à convaincre le Président Paul Doumer de la nécessité d’une radio à destination des expatriés français. L’audience potentielle est importante : l’Empire colonial français compte alors près de 100 millions d’habitants, éparpillés en Asie, en Amérique et en Afrique. Il faut bien maintenir un lien avec ces habitants du bout du monde, leur donner des nouvelles du pays et de l’actualité internationale : Le Poste colonial émet donc pour la première fois lors de cette exposition.

C’est le journaliste Julien Maigret qui le dirige, fort de 15 ans de vie au Congo. L’accent est mis sur les nouvelles économiques, car ces commerçants et chefs d’entreprise expatriés ont besoin de connaitre le cours de la bourse et des matières premières pour mener à bien leurs affaires.

Mais le Poste colonial est aussi un moyen de divertissement : dans les années 1930, pas de télé, pas d’Internet, le cinéma lui-même reste rare dans les colonies… Alors, chaque semaine, une troupe de théâtre joue une pièce en direct. Plusieurs représentations s’enchainent pour s’adapter à tous les fuseaux horaires.

De l’union des mondes

Très vite, des tensions de plus en plus vives traversent l’Europe et le reste du monde. Elles rattrapent le Poste colonial. En 1933, Adolf Hitler est élu à la chancellerie allemande. La radio devient un outil central dans la guerre d’influence qui s’exerce dès lors entre les Etats et les différentes idéologies. Pour contrer la parole hitlérienne, déversée par ondes courtes en Amérique du Sud, aux Etats-Unis et en Europe, le Poste colonial opère sa mue. Il devient « Paris Ondes Courtes » et change de cible. Plus question de s’adresser uniquement aux expatriés : il faut parler à tous pour les conserver dans le « bon camp ». Des émissions en 30 langues, dont l’arabe, le portugais, l’italien, et surtout l’allemand sont lancées. Objectif : rivaliser avec l’influence grandissante d’une Allemagne hitlérienne en train de construire ses alliances.

Pour séduire les habitants de la Rhénanie, occupée par les troupes du IIIème Reich, un programme de 15 minutes en allemand est diffusé tous les jours. Mais les choses bougent, en France également : le 4 juin 1936, après une grève de plusieurs semaines, le Front populaire arrive au pouvoir. Pour Léon Blum, l’urgence est au « peuple » français. Les crédits accordés à Paris Ondes Courtes diminuent : ce qui intéresse le pouvoir, c’est ce qui se passe en France, pas à l’international.

Renommée « Paris Mondial », la radio continue malgré tout à diriger ses programmes vers l’extérieur. Elle est désormais l’arme du Front Populaire pour lutter contre le fascisme qui grandit à ses différentes frontières. Toutes les attentions se portent sur la section allemande de la rédaction, alors qu’Hitler et ses troupes ont envahi l’Autriche et commencent à mettre en œuvre une politique drastiquement antisémite. Ce sont donc les juifs-allemands réfugiés en France qui animent les émissions germanophones. Pareil du côté italien : ceux qui ont fui le fascisme de Mussolini prennent le micro pour s’adresser à leurs compatriotes restés au pays.

A la guerre des ondes

Mais en septembre 1939, la guerre éclate… Paris Mondial est rattachée au Département de la propagande en France, sous les ordres de l’occupant allemand. Toutefois, certaines émissions continuent d’être secrètement produites à Paris, et sont diffusées par Radio Londres, « la » voix de la Résistance française en Europe. La guerre est mondiale, et la voix des Forces françaises libres, dirigées par un De Gaulle en exil, s’exprime aussi depuis Brazzaville, Beyrouth, Nouméa, Papeete et Yaoundé. C’est Jacques Soustelle, le commissaire à l’information de la France Libre unie derrière Charles de Gaulle, qui les coordonne. Philippe Desjardins dirige la plus célèbre, Radio-Brazza. En face, Pétain essaie de renouer avec un Empire colonial qui lui échappe. Il fonde coup sur coup des radios comme la « Voix de la France », et la « France musulmane » pour contrer l’influence de la Résistance, de la BBC et de Radio Brazza, au sein de l’Empire colonial. Une guerre des ondes s’amorce à l’échelle internationale.